Le décès de Roger Hanin me fait penser à un téléfilm d’Edouard
Molinaro où il tenait avec talent le premier rôle : Au bon beurre. Il s’agit d’une adaptation réussie d’un roman
de l’académicien Jean Dutourd. On y voyait les Poissonnard, un couple de
français sans scrupules, pendant l’Occupation, s’enrichir sur le malheur des
autres, tout en se donnant le beau rôle. Leur immoralité faisait froid dans le
dos tant elle sonnait juste.
J’ai souvent repensé à ce téléfilm. Quand je l’ai découvert,
adolescent, il m’a fait l’effet de révéler quelque chose de fondamental chez ce
qu’il est convenu d’appeler le bon français. J’ai compris que, sous le vernis
du parisien révolutionnaire tel que l’a peint Delacroix, derrière le résistant héroïque, il y avait le tartuffe, le glauque, le xénophobe, le délateur anonyme, le passé maître dans l’art
des apparences. Sous le flamboyant « pays des droits de l’homme » aux
ambitions universalistes, il y a le pays à la morale rance qui se construit sur
le mépris de l’autre et la soif de s’enrichir. Il y a l’aspiration à devenir
notable, à se faire bien voir de ses voisins, il y a cette mesquinerie
chevillée au cœur si bien décrite par Flaubert.
Ce que je dis vous surprend ? Il n’y a pas de quoi,
pourtant. Je n’exagère pas. Pour le côté hypocrite, voyez tous ces gens qui
votent FN et qui tentent de maquiller leur xénophobie d’une couche plus ou
moins lourde de prétendu "bon sens" aux épais relents.
Regardez, dans cette vidéo de propagande, cette
dame qui dit : « Nous avons besoin de redevenir français (…), tout en
gardant des gens qui ne sont pas de nationalité française, parce qu’il y a
quand même des gens très bien, aussi ». Énorme. Encore plus révélateur, cette autre dame
qui avoue, soulagée : « maintenant, je peux enfin dire ce que je
pense ». Nous y voilà. Le « enfin » est très important : je le
pensais depuis longtemps, mais je le gardais bien à l’abri. On comprend mieux
pourquoi ça sent autant le renfermé.
Le FN n'est que le dernier avatar en date de l'extrême droite. Elle revient périodiquement au pouvoir en France.
Non pas parce qu’elle est extrême, mais parce qu’elle
est radicale, c’est-à-dire qu’elle
fait partie des racines sur
lesquelles pousse l’âme française. C’est pour cela que Marine Le Pen (elle ou
son successeur) arrivera tôt ou tard au pouvoir. C’est, hélas, inévitable.
Julian Melmoth
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