mercredi 11 février 2015

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Au bon beurre





Le décès de Roger Hanin me fait penser à un téléfilm d’Edouard Molinaro où il tenait avec talent le premier rôle : Au bon beurre. Il s’agit d’une adaptation réussie d’un roman de l’académicien Jean Dutourd. On y voyait les Poissonnard, un couple de français sans scrupules, pendant l’Occupation, s’enrichir sur le malheur des autres, tout en se donnant le beau rôle. Leur immoralité faisait froid dans le dos tant elle sonnait juste.

J’ai souvent repensé à ce téléfilm. Quand je l’ai découvert, adolescent, il m’a fait l’effet de révéler quelque chose de fondamental chez ce qu’il est convenu d’appeler le bon français. J’ai compris que, sous le vernis du parisien révolutionnaire tel que l’a peint Delacroix, derrière le résistant héroïque, il y avait le tartuffe, le glauque, le xénophobe, le délateur anonyme, le passé maître dans l’art des apparences. Sous le flamboyant « pays des droits de l’homme » aux ambitions universalistes, il y a le pays à la morale rance qui se construit sur le mépris de l’autre et la soif de s’enrichir. Il y a l’aspiration à devenir notable, à se faire bien voir de ses voisins, il y a cette mesquinerie chevillée au cœur si bien décrite par Flaubert.

Ce que je dis vous surprend ? Il n’y a pas de quoi, pourtant. Je n’exagère pas. Pour le côté hypocrite, voyez tous ces gens qui votent FN et qui tentent de maquiller leur xénophobie d’une couche plus ou moins lourde de prétendu "bon sens" aux épais relents.


Regardez, dans cette vidéo de propagande, cette dame qui dit : « Nous avons besoin de redevenir français (…), tout en gardant des gens qui ne sont pas de nationalité française, parce qu’il y a quand même des gens très bien, aussi ». Énorme. Encore plus révélateur, cette autre dame qui avoue, soulagée : « maintenant, je peux enfin dire ce que je pense ». Nous y voilà. Le « enfin » est très important : je le pensais depuis longtemps, mais je le gardais bien à l’abri. On comprend mieux pourquoi ça sent autant le renfermé.

Le FN n'est que le dernier avatar en date de l'extrême droite. Elle revient périodiquement au pouvoir en France. Non pas parce qu’elle est extrême, mais parce qu’elle est radicale, c’est-à-dire qu’elle fait partie des racines sur lesquelles pousse l’âme française. C’est pour cela que Marine Le Pen (elle ou son successeur) arrivera tôt ou tard au pouvoir. C’est, hélas, inévitable.

Julian Melmoth

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