dimanche 22 mars 2015

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Hasta siempre ! Cuba aiguise son appétit capitaliste



Par Julian Melmoth

 Deux pays ont encore, chez nous occidentaux épris de liberté, une assez triste réputation. Il s’agit de Cuba et de la Corée du Nord. Enfin, pour le premier, les choses ont beaucoup évolué ces dernières années : le tourisme sur-développé n’y est sûrement pas pour rien. Mettons alors le cas de la Corée du Nord de côté pour le moment. L’occasion d'y revenir se présentera avant longtemps.

Nous autres français avons appris à l’école que Cuba était une méchante dictature. Que pendant des décennies, Fidel Castro, dictateur sanguinaire, a affamé sa population, emprisonné et tué ses journalistes, fait des procès à ses amis devenus soudainement des traitres à la Révolution. En un mot, que tous les malheurs du pays ont pour origine unique un dictateur rusé, cynique, paranoïaque et mégalomane. Et que son frère Raúl a désormais pris le relais.

Mais il ne faut pas réduire la situation complexe de Cuba à cette seule dimension. Elle est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Il faut rappeler que l’école y est gratuite, avec le taux d’alphabétisation le plus important de cette région du globe. Les soins, gratuits eux aussi, sont prodigués dans des hôpitaux à la qualité bien supérieure à celle de beaucoup d’hôpitaux gringos. Ce qui permet à Cuba d’envoyer des médecins et chirurgiens intervenir sur le théâtre de catastrophes naturelles… on se souvient de la malicieuse proposition qui avait été faite par le gouvernement cubain lors de l’ouragan Katrina sur la Nouvelle Orléans en 2005, d’envoyer des hommes et du matériel dont les quelques secouristes sur place manquaient cruellement.

C'est que les arguments anti-cuba sont hérités des vieux discours de propagande qui n’avaient pas d’autre but que de diaboliser le régime cubain, de l’isoler, de l’affaiblir, pour finalement l’anéantir. On soulignait à juste titre le manque de démocratie, les procès staliniens et la presse muselée. On passait généralement sous silence le travail de sape des États-Unis qui sabotait activement tout effort de développement économique de l’île. Rappelons que selon le rapport sur le développement des droits humains de 2014 de l’ONU, Cuba fait partie de peloton de tête des pays avec un indice de développement humain « très élevé », tant en termes d’éducation que de santé. Il tient la quarante-et-unième position (la France est vingtième), bien avant le Brésil ou la Chine par exemple. L’espérance de vie à la naissance (77,3) y est plus élevée qu’aux États-Unis (76,5).


Aussi, on croit sans peine les analystes qui avancent que l’embargo des États-Unis (qui dure depuis février 1962 ! Un triste record) et la loi Helms-Burton (votée par le Congrès en 1996, dictant les nouvelles règles de cet embargo) ne sont pas pour rien dans la détresse économique de l’île. Mais aucune cause n’exclut l’autre, et le sociologue américano-cubain Sam Farber rappelle dans ces dernières études que l’embargo a aussi bon dos, et ne saurait masquer les insuffisances politiques et économiques du régime. Mais laissons les experts s’étriper sur les chiffres et les milliards de dollars, car il y a aussi autre chose en jeu.


Dans ce même entretien, Farber explique que Cuba rêverait d’un modèle à la chinoise, avec un contrôle de l’Etat sur une activité capitaliste effrénée. Le monde a changé depuis 1959 et, pour les dignitaires cubains, il y a du fric à se faire. Aujourd’hui plus que jamais. Du côté des États-Unis, les sentiments doivent être mitigés. D’un point de vue politique, la reprise des relations diplomatiques est un échec symbolique : durant toutes ces années, le régime se sera toujours maintenu. D’un point de vue idéologique, maintenant qu’il a accepté la reprise des relations diplomatiques avec son ennemi juré, Cuba assume de plus en plus ouvertement son appétit capitaliste.

Vive le tourisme !

 La question qui se pose maintenant est de savoir si, comme Pékin, La Havane va maintenir son habillage idéologique alors qu’elle se prépare à prendre sa part dans le capitalisme post-crise économique, qui redouble de sauvagerie. Nul doute que, si c’est la pente qui est effectivement suivie, les banques cubaines vont se développer à une vitesse faramineuse. C’est moins sûr en ce qui concerne les indices de développement humain… et au nombre des régimes communistes survivants, celui de Pyongyang sera le dernier à ne pas participer au grand jeu de la finance globalisée.

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