vendredi 3 avril 2015

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L’émulation par l’échec



Par Théophanô

Je suis tombée il y a peu sur une étude surprenante publiée dans la presse pédagogique. Les auteurs se plaçaient du côté des partisans – qui occupent aujourd’hui une position de force – de la mixité sociale dans les lycées. Je n’ai rien contre la mixité sociale, mais je me méfie du verbiage fumeux qui consiste à en faire la parade systématique à tous les maux de notre société, et plus particulièrement des inégalités sociales, économiques, et culturelles.
La mixité au lycée implique d’intégrer des élèves issus de milieux favorisés dans des classes qui le sont moins.
On voit d’ici les joyeux présupposés cachés dans cette phrase.
Un élève issu d’un milieu favorisé est, dans l’esprit des rédacteurs de cette étude, doté d’un niveau d’éducation et plus généralement d’un savoir-être supérieur et globalement mieux intériorisé que ses camarades.
N’importe quel individu normalement éveillé ayant passé un samedi soir dans un bar de l’avenue de Courcelles peut nuancer cette affirmation.
Mais c’est la suite qui me réjouit le plus.
Je lis ainsi qu’il est prouvé que l’insertion d’élèves favorisés dans des classes plus difficiles ne leur nuit jamais, tandis qu’elle profite immanquablement aux élèves plus faibles.
J’ai beau relire cette phrase pour la quatrième fois, elle me plonge toujours dans la même stupéfaction consternée.
Mais qui est le fanatique idiot qui a pu pondre et surtout diffuser une telle ineptie ? Croit-on vraiment que le pauvre gamin, catapulté par aveuglement dans une classe en déshérence, va réussir à la seule force du poignet à redresser le niveau ? Tentez de vous représenter un jeune socialiste contraint de passer le Réveillon de Noël avec ses cousins picards encartés chez Marine. La conversation roule autour des pourris et des immigrés. Le socialiste intervient :
-          Vous n’avez pas le droit de dire ça !
-          Pardon ?
-          Il y en a des bien !
-          Tu veux encore de la dinde aux marrons ?
-          Je n’accepterai pas un pilon de la part d’un individu qui nie l’apport multiculturel de l’immigration à la nation française !
-          Ta gueule.



Zozo, après six mois de passage à tabac par la 4eB, a deux options, finir en HP ou essayer de s’intégrer. Comme Aristote l’a dit en son temps, la nature du sujet humain étant de sociabiliser, il est probable qu’il cherchera plutôt à faire ami-ami avec ses copains à 6 de moyenne et évitera désormais de répondre aux questions épineuses de Mme Dugland :
-          Jean-André, la date de la bataille de Valmy ?
-           Et comment vous voulez que je le sache ? Vous z’avez qu’à nous le dire ! Elle est conne, celle-là.
L’observateur attentif cependant pourra m’opposer un détail. Si l’insertion de bons élèves dans des classes nulles ne crée par une saine émulation, comment se fait-il que les notes calamiteuses de lesdites classes ne nous alertent pas sur l’échec du phénomène ?
Sortez vos cahiers, et notez la définition :
L’enseignant pratique une notation relative – c’est-à-dire qu’il évalue en fonction de la qualité globale du paquet de copies et non d’après la valeur intrinsèque des productions. Un neuneu qui culminerait à 1 sur 20 de moyenne au lycée de la Légion s’en sort avec les honneurs à Melun. D’autant que la pression rectorale va dans ce sens : peu importe le niveau réel, tant que les statistiques sont bonnes !
Je ne peux pas m’empêcher d’insérer ici, à défaut d’un bon élève (où êtes-vous, mes chatons ?), une citation authentique d’un mail authentique d’un proviseur, le mien en l’occurrence, à propos de la rétrogradation de notre établissement dans le classement des lycées français :
« Il n'est pas question pour moi de vous mettre en cause, ni de vous incriminer, vous faites avec les élèves que vous avez et le classement doit être étudié dans le détail et être replacé dans son contexte.
En revanche, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cet état de fait ni nous abandonner à la fatalité. Nous devons mettre en place des stratégies d'accompagnement des élèves et surtout lutter contre l'absentéisme et le manque de travail des élèves qui sont les principales causes de l'échec des élèves.
Je souhaite que nous ayons une réflexion commune sur ces questions afin d’inscrire la réussite des élèves, dans les fiches actions que vous allez prochainement élaborer pour le projet d'établissement. Ces actions devront d’abord s’appuyer sur un diagnostic partagé pour s’inscrire dans une démarche globale et cohérente. »
Pour faire réussir tout le monde, un conseil : transformons le bac en chasse à l’œuf, il y en aura pour tout le monde !





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